Le capitalisme de la séduction libère le désir. Dans Le capitalisme de la séduction, Michel Clouscard défend l’idée que le capitalisme occidental a muté au cours des Trente Glorieuses en émancipant l’individu de ses valeurs morales traditionnelles. Il identifie dans cette mutation un véritable « dressage anthropologique » qui sert la domination économique au nom du progrès de la liberté.
L’amoralité du capitalisme selon Comte-Sponville
Le capitalisme de la séduction est un nouveau capitalisme. Michel Clouscard affirme que ce système inédit a fabriqué la société de consommation et qu’il se sert de la social-démocratie pour s’imposer politiquement. Il s’est également imposé sur le plan des valeurs en supprimant les verrous moraux traditionnels tels que les péchés, les tabous et la culpabilité — le capitalisme de la séduction a par là inventé un homme innocent qui a un droit à la jouissance. Plus globalement, il maquille les marchandises par de l’idéologie afin d’en faire oublier la fonction mercantile au consommateur (c’est notamment le cas dans la mode). Mais le système capitaliste ne change pas en son fond : c’est toujours la classe ouvrière qui produit les richesses qui seront gaspillées de manière somptuaire sous couvert d’accomplissement des désirs. Pour Michel Clouscard, la crise montre que l’austérité est dans l’essence de ce système. En effet, elle crée le besoin du modèle ludique du capitalisme de la séduction pour s’évader du malaise. « Plus la crise s’aggrave, avance le sociologue, plus l’industrie du plaisir, du loisir s’étend. […] La jouissance sociale-démocrate nécessite l’inflation, le chômage » (Le capitalisme de la séduction). La gauche (en charge de la politique et de la culture) et la droite (en charge de l’économie et du social) sont complices dans ce système. Michel Clouscard estime qu’il aboutit fondamentalement à l’exploitation des producteurs par les oisifs.
Le fétichisme de la marchandise selon Marx
Michel Clouscard dénonce le capitalisme de la séduction
Le capitalisme de la séduction étend la logique de la consommation. Michel Clouscard voit dans le plan Marshall l’origine historique de cette évolution. Si ce programme d’aide à la reconstruction de l’Europe l’a soumise à l’économie, à la culture et aux valeurs américaines, il a plus fondamentalement transformé une économie de la rareté en une économie de l’abondance. Or, cette mutation économique a requis une mutation culturelle, qui repose sur la valorisation du jeu et de la consommation. Cela s’apparente à un prolongement de l’enfance, une période caractérisée par la jouissance immédiate et la distance par rapport au monde du travail. « Le capitalisme, pose Michel Clouscard, veut que nous restions des enfants […] englués dans cette ignorance » (Le capitalisme de la séduction). Il analyse cette extension de la logique de la consommation sur le plan politique. Il la relie à l’utopie d’une société dominée par une classe moyenne unique qui annulerait la diversité politique en étant représentée par une union du centre-gauche et du centre-droit. Il dénonce également la récupération des idéologies contestataires (telle celle de Mai 68) par le capitalisme de la séduction. Enfin, il explique que l’extension de la logique de la consommation a transformé le rapport à la propriété. Si l’assimilation de la propriété au vol par Proudhon est excessive dans l’absolu, elle est juste dans le cas de la bourgeoisie qui accumule la propriété de manière illégitime par la spéculation. Michel Clouscard dénonce ainsi l’enrichissement parasitaire des nouvelles élites capitalistes.
La révolte des élites selon Christopher Lasch
Le capitalisme de la séduction repose sur une domination culturelle. Michel Clouscard explique que les valeurs de ce nouveau système se sont imposées en récupérant les artistes et intellectuels contestataires. Ainsi s’est mise en place une nouvelle bourgeoisie culturelle arriviste qui se différencie par un mélange de subversion, de modes populaires et de traditions. Le capitalisme de la séduction mise en particulier sur la libération de la sexualité, la drogue et le rock afin de promouvoir la consommation par l’intermédiaire de conduites transgressives dans la camaraderie d’une bande. « Le petit-bourgeois, écrit Michel Clouscard, est émerveillé en accédant au danger, à l’interdit » (Le capitalisme de la séduction). Le capitalisme de la séduction récupère également le féminisme, dont il manipule les avancées (notamment la pilule et l’insertion dans le marché du travail) dans un sens qui bénéficie exclusivement aux femmes de la bourgeoisie. Le phénomène global mis en évidence par le sociologue est que le nouveau capitalisme se sert de la mode, de l’art, et plus généralement de la culture afin de promouvoir ses propres valeurs. Dès lors, la logique de la séduction pénètre profondément la société. Les modèles véhiculés par la consommation de masse — avec des produits tels que la moto, la guitare électrique, la chaîne hi-fi, ou encore l’appareil photo — créent par exemple de nouvelles distinctions sociales. Michel Clouscard pointe notamment du doigt le rôle des intellectuels de gauche, qui promeuvent le capitalisme de la séduction tout en croyant persister dans la subversion.