La méthode de Descartes est à l’origine de la science moderne. Dans le Discours de la méthode, le philosophe rompt avec la scolastique (la philosophie chrétienne du Moyen Âge), trop spéculative à son goût, pour fonder la recherche de la connaissance sur des bases plus fermes. Il propose ainsi une méthode pour éviter l’erreur qui repose sur le doute et s’inspire de la certitude exemplaire des mathématiques.
La méthode de Descartes sert la mission de la philosophie. Elle est en effet, d’un point de vue général, un moyen de rendre le jugement de l’homme plus sûr. En constatant que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. » (Discours de la méthode), Descartes affirme que les hommes sont égaux par leur capacité de jugement, mais inégaux par la manière dont ils usent de cette faculté ; c’est pourquoi une méthode est nécessaire pour conduire l’intelligence humaine. Or, elle ne peut la conduire que si elle la connaît. Cette connaissance acquise, il sera alors possible de faire commander l’intelligence à la volonté, ce qui est le propre de la sagesse. « Il me semble étonnant, écrit Descartes, que la plupart des hommes étudient avec le plus grand soin les propriétés des plantes, les transmutations des métaux et autres matières semblables, tandis qu’un petit nombre à peine s’occupe de l’intelligence et de cette science universelle dont nous parlons » (Règles pour la direction de l’esprit). Ainsi, Descartes ne voit pas l’intelligence comme une réalité à expliquer, mais à la fois comme un point de départ et un point d’appui pour accroître la rigueur de l’esprit. Dans cette perspective, les différentes sciences semblent être les diverses formes d’une intelligence toujours identique à elle-même.
La méthode de Descartes repose sur l’ordre de la rigueur mathématique
La méthode de Descartes se retrouve surtout dans les mathématiques. Souvent confondues avec la méthode elle-même, elles n’en sont pourtant que le fruit. Par conséquent, l’individu ne doit pas apprendre les mathématiques pour elles-mêmes, mais pour habituer l’esprit aux procédés de la méthode. « Je me plaisais surtout aux mathématiques, écrit Descartes, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons ; mais je ne remarquais point encore leur vrai usage, et, pensant qu’elles ne servaient qu’aux arts mécaniques, je m’étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et si solides, on n’avait rien bâti dessus de plus relevé » (Discours de la méthode). C’est plus précisément la « mathématique universelle » – par opposition aux mathématiques particulières et appliquées (astronomie, musique, optique) – qui permet de s’exercer à la méthode, en ne considérant que l’ordre (l’enchaînement logique des termes du raisonnement) et la mesure (rapporter tous les objets du raisonnement à une même unité). Par rapport aux mathématiques, la méthode est plutôt un principe générateur, une « semence divine » antérieure à toute science. Pour autant, Descartes a bien eu pour ambition d’étendre à tous les domaines de la connaissance la supériorité du raisonnement mathématique, qui repose sur la rigueur d’une chaîne de déductions tirées d’une intuition première.
Le théorème d’incomplétude de Gödel
La méthode de Descartes repose fondamentalement sur l’ordre. Pour être rigoureuse, la réflexion doit être une suite de termes ordonnés de telle manière que le suivant dépende du précédent. « En matière de progressions mathématiques, explique Descartes, lorsqu’on a les deux ou trois premiers termes il n’est pas malaisé de trouver les autres. » (Géométrie). Ainsi, l’ordre du raisonnement cartésien permet de combiner les deux facultés essentielles de l’intelligence que sont l’intuition et la déduction. Mobilisant ces deux facultés, la méthode de Descartes tient en quatre règles simples. La première règle est celle de l’évidence. Afin de ne s’appuyer que sur l’évidence véritable, le sujet doit se prémunir contre les deux tendances spontanées de l’esprit humain que sont l’adhésion au préjugé et la précipitation, qui peuvent causer un manque de rigueur dans l’examen d’une proposition. La deuxième règle est celle de la simplification. Elle demande de simplifier les données du problème en les décomposant en éléments les plus simples possible, afin de pouvoir mieux les examiner. La troisième règle est celle de l’ordre : elle consiste à mettre de l’ordre parmi les éléments du problème, en les classant du plus simple au plus complexe. Enfin, la quatrième règle est celle de l’exhaustivité. Pour clore le raisonnement, il faut passer tous ses éléments en revue afin de ne rien oublier.