Rechercher
Generic filters
Rechercher
Generic filters

L’éloge des frontières de Régis Debray

Les frontières sont utiles. Dans son Éloge des frontières, Régis Debray attaque la dévalorisation idéologique des frontières en montrant que le sans-frontiérisme repose à la fois sur des idées reçues et sur l’ignorance de la réalité géopolitique. Refusant une vision identitaire des sociétés humaines, il renvoie dos à dos, d’un côté, les partisans de la ségrégation, et de l’autre les apôtres d’un universalisme naïf.

Le nationalisme selon Hobsbawm

Les frontières ne sont pas des murs. Régis Debray critique les projets d’édification de murs des partisans de l’immigration zéro. Son raisonnement part du refus de l’idée selon laquelle une frontière est un facteur d’exclusion. Il s’agit d’une caricature. En effet, on peut envisager une porte (par exemple) de deux manières : comme une limite infranchissable lorsqu’on la ferme, qu’on la verrouille, et qu’on y ajoute une alarme ; ou bien comme une limite franchissable lorsqu’on la tient ouverte aux visiteurs qui respectent les règles du bon voisinage. Dans cette seconde conception, la frontière n’est pas un mur, mais une interface. « On confond les frontières et les murs, explique Régis Debray. Les frontières sont un vaccin contre les murs. Elles permettent le va-et-vient. La frontière est une marque de modestie et de respect de l’autre : non, je ne suis pas partout chez moi. » (Éloge des frontières). Ainsi, la frontière constitue en réalité une séparation qui permet l’hospitalité envers l’autre et encourage le partage. Elle est comparable à la peau, qui protège l’intérieur du corps de l’extérieur tout en régulant leurs échanges. Le philosophe va jusqu’à définir la frontière par opposition au mur en affirmant qu’elle favorise la sécurité dans l’échange. Seulement, en assimilant les frontières à la ségrégation et en appelant à leur disparition, les partisans du sans-frontiérisme obtiennent l’effet inverse de celui qu’ils escomptent. Régis Debray voit les murs remplacer les frontières.

La nation selon Renan

Régis Debray fait l’éloge des frontières intellectuelles

Les frontières sont une nécessité politique. D’après Régis Debray, cette vérité devient sensible parce qu’on réalise les effets désastreux de la mondialisation économique, tout particulièrement l’explosion des inégalités par la circulation obscène de la finance et le sacrifice de la protection sociale par la délocalisation sauvage de la production. Alors que le sans-frontiérisme vise l’extension de la paix et de l’égalité à tous les hommes, il apparaît dans les faits comme le complice idéologique d’un impérialisme économique qui réalise la domination d’un clan sur tout le reste de l’humanité. Ce constat invite à revenir aux bases : comme il n’y a pas de mer sans rivages, il n’y a pas de communauté sans limite ; une communauté n’existe que par rapport à l’extérieur. Régis Debray affirme donc que la séparation est un ingrédient essentiel de l’organisation de la vie collective. Dans les faits, ce sont les frontières qui rendent possible la coexistence pacifique des peuples en délimitant les territoires. « Ce n’est pas les frontières qui causent la guerre, soutient le philosophe, c’est leur absence. Car à force d’outrepasser les frontières, on érige des murs, cela ressemble à ceux qui à force d’éviter la polémique préfèrent faire la guerre » (Éloge des frontières). La stabilité du monde dépend ainsi du respect et de la protection des frontières. Concrètement, il est possible d’éviter les conflits qui surviennent aux frontières grâce à des mécanismes de règlement pacifique des différends et à une coopération internationale. Régis Debray souligne par là l’importance du droit international.

Le nationalisme selon Ernest Gellner

Les frontières sont une nécessité intellectuelle. Régis Debray affirme qu’elles sont plus fondamentalement essentielles pour penser le monde. Il estime que la dévalorisation des frontières entre les communautés s’accompagne de la dévalorisation des frontières entre les idées. Perdant la conscience des limites, les hommes du XXIe siècle ne parviennent plus à séparer l’être du paraître, les affaires publiques des intérêts privés, ou encore le citoyen de l’individu. Cette confusion intellectuelle révèle la raison d’être de la frontière : « la frontière est ce qui donne du sens à notre monde, écrit le philosophe. Elle est la première réponse au néant de l’espace et de l’existence » (Éloge des frontières). La nécessité intellectuelle de la frontière transparaît tout d’abord dans les conséquences politiques de la mondialisation : les frontières définissent l’identité collective et favorisent ainsi l’harmonisation des consciences dans une communauté. Mais leur fonction est en réalité plus profonde. Régis Debray avance que la frontière produit du sens dans la mesure où elle distingue l’intérieur de l’extérieur. Ainsi, une culture ne peut pas se développer sans clôture ; de même, le sacré, la source ultime du sens, ne peut pas survivre sans enceinte (les tombeaux et les sanctuaires sont par définition fermés). En traçant une simple ligne, la frontière sépare le dehors du dedans ; elle crée l’ordre dans le chaos, et c’est ainsi qu’elle engendre le sens. Régis Debray craint donc que l’uniformisation du monde par la supposée disparition des frontières ne condamne les hommes à des existences privées de sens.

L’enracinement selon Simone Weil

Vous n'avez pas besoin de passer votre vie dans les livres.

Découvrez les 5 secrets des personnes les plus cultivées.

Qui est Romain Treffel ?

Passionné par les idées, je veux vous aider à mieux comprendre votre existence grâce au meilleur de la pensée. C’est dans cet esprit que je travaille à rendre les grands concepts plus accessibles et les grands auteurs plus proches de nous.

Passé par l’ESCP, la Sorbonne, et l’École Normale Supérieure, j’aide également les étudiants à réussir les épreuves littéraires des concours des grandes écoles.

Vous n'avez pas besoin de passer votre vie dans les livres.

Vous n'avez pas besoin
de passer votre vie
dans les livres.

Découvrez les 5 secrets des personnes les plus cultivées.

Nous utilisons des cookies pour gérer ce site web et comprendre comment vous l’utilisez. Consultez notre politique en matière de cookies en cliquant ici.