Le monomythe est le parcours du héros. Joseph Campbell affirme dans Le héros aux mille et un visages que les mythes et légendes recèlent, sous leur apparente diversité, un seul et même message profond qui traverse toutes les cultures. Il se sert de la psychanalyse pour mettre en lumière le substrat psychologique et spirituel de la mythologie.
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Le monomythe a une structure. Joseph Campbell met en évidence une structure narrative commune à tous les récits mythiques, qu’il s’agisse de l’Odyssée d’Homère, du Mahabharata hindou, du conte de Blanche-Neige ou encore de Star Wars. Ces récits suivent un schéma en trois parties : le départ, l’initiation et le retour. La première partie de la narration, le départ, décrit le moment où le héros quitte sa zone de confort pour s’aventurer dans le monde inconnu. La phase suivante du monomythe est celle de l’initiation du héros. Les récits mythologiques font durer cette partie parce que c’est leur préférée. Joseph Campbell estime qu’elle a une vertu psychologique. « Une chose est évidente, avance-t-il : les dangers psychologiques qu’ont traversés les générations passées avec l’aide des symboles et des exercices spirituels hérités de leur mythologie ou de la religion, il nous faut les affronter seuls aujourd’hui ; ou, dans le meilleur des cas nous devons les résoudre avec une aide incertaine, improvisée est rarement efficace. C’est notre problème d’hommes modernes « éclairés » qui, à force de rationalisation, avons chassé dieux et démons de notre existence » (Le héros aux mille et un visages). Enfin, la troisième phase du monomythe, le retour, est l’étape où le héros, enrichi par son parcours d’une sagesse inédite, revient à son point de départ. Pour Joseph Campbell, le héros a donc une responsabilité à l’égard de la société.
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Joseph Campbell révèle la fonction du monomythe
Le monomythe mobilise des thèmes universels. En passant de nombreuses années à étudier les mythes du monde entier, Joseph Campbell a découvert que ces histoires partagent des thèmes communs — tels que la naissance, la mort, la renaissance, l’amour et la trahison — qui se retrouvent dans toutes les cultures parce qu’ils constituent des préoccupations fondamentales de l’humanité. L’appel du héros est un des thèmes essentiels du monomythe. Un geste maladroit peut révéler la prédestination, mais l’appel est le plus souvent explicite. De nombreux récits font apparaître un personnage sombre et énigmatique pour mettre le héros sur la route de son destin. Ce guide peut prendre différentes formes, telles qu’un crapaud dans un conte de fées ou un cerf dans la légende du roi Arthur. Joseph Campbell montre que les figures mythiques de la mère et du père sont un autre thème essentiel du monomythe. Une figure divine maternelle supervise souvent l’initiation du héros. Le père est en général un personnage puissant et sévère qui représente les épreuves, les souffrances et tragédies inhérentes à l’existence. « Le fils qui est réellement mûr pour connaître le père, explique le mythologue, supporte de plein gré les angoisses de l’épreuve ; le monde n’est plus une vallée de larmes, mais une manifestation perpétuelle de la présence, une source de félicité » (Le héros aux mille et un visages). Le monomythe mobilise aussi souvent le thème de la renaissance consécutive à l’initiation. Selon Joseph Campbell, le héros jouit désormais d’un nouveau rapport au cosmos.
Le monomythe a une fonction spirituelle. Joseph Campbell avance que l’aventure du héros retrace, sous une forme allégorique, le parcours psychologique de tout être humain jusqu’à la maturité spirituelle. « Si nous jetons un regard en arrière, écrit-il, sur ce qui promettait d’être notre aventure personnelle, unique, imprévisible et dangereuse, nous ne découvrons, en définitive, qu’une succession de métamorphoses classiques, comme en ont subies tous les hommes et toutes les femmes, dans toutes les parties du monde, à toutes les époques et sous tous les étranges travestissements des civilisations » (Le héros aux mille et un visages). Fondamentalement, l’universalité du monomythe s’explique par l’universalité du besoin individuel d’expliquer la réalité dans son entièreté afin de donner un sens à l’existence. Ce besoin est la source d’inspiration universelle de l’esprit humain qui lie tous les récits mythiques dans l’imaginaire collectif de l’humanité. Joseph Campbell en déduit que le héros n’est pas un homme unique. Bien au contraire, il incarne la capacité de chacun à accéder à un niveau de conscience supérieur en débarrassant son esprit des illusions inhérentes à la vie sociale et en le réconciliant avec la vérité de la vie elle-même. Dans cette perspective, l’art, la littérature, le mythe et le rite, la philosophie, ou encore les disciplines ascétiques sont des instruments destinés à élever spirituellement l’individu. Or, la modernité les vide de leur pouvoir en les décrédibilisant. Joseph Campbell en conclut que le héros est une source de spiritualité plus que jamais nécessaire.