Le langage est un enjeu essentiel de la connaissance. Wittgenstein se demande ainsi dans le Tractatus logico-philosophicus ce qu’il est possible d’exprimer par le langage. Il montre que les sens éthique et esthétique du monde sont intransmissibles, si bien que la philosophie se condamne au silence en s’évertuant à mettre à jour les pièges du langage.
La théorie de l’agir communicationnel de Habermas
Le langage sert à exprimer les faits du monde. Par la parole, l’homme produit des « tableaux » des faits, dans le sens où ses représentations transposent la réalité en en reliant les éléments les uns aux autres. Pour Wittgenstein, en effet, le monde est « l’ensemble des faits, non pas des choses » (Tractatus logico-philosophicus), car les choses apparaissent toujours dans une certaine relation (comme celle entre un objet et sa couleur). Dès lors, le langage se résume forcément à énoncer des faits : « la tomate est rouge », « le vase est sur la table », etc. Or, pour que la parole corresponde bien à la réalité, le langage doit posséder une structure calquée sur celle du réel, c’est-à-dire qu’une proposition vraie a une structure identique à celle du fait qu’elle décrit. En comparaison, les mathématiques énoncent des tautologies. Par exemple, dire « 2 + 2 = 4 » est dénué de sens pour la simple et bonne raison que 4 n’ajoute rien à 2 + 2, qui lui est strictement équivalent et n’est donc qu’une autre manière de l’exprimer. Wittgenstein affirme par conséquent que seules les sciences de la nature sont en réalité capables de dire ce qui est vrai ou faux. En revanche, tout ce qui hors du monde (les valeurs, le bien, le beau, Dieu, etc.), quoiqu’important, ne peut être ni pensé ni dit.
L’origine des langues selon Rousseau
Wittgenstein compare le langage à un jeu avec ses règles
Le langage obéit à des règles logiques. En effet, il se sert de propositions qui articulent les mots décrivant les faits du monde. Relevant de la seule logique, elles sont vraies quels que soient les mots auxquels elles s’appliquent, si bien qu’elles ne disent rien du monde. Par exemple, l’énoncé « il pleut ou il ne pleut pas » ne donne aucune indication météorologique, mais il met en évidence la contradiction et l’incompatibilité entre les deux éventualités. En fait, toute proposition possède des propriétés logiques, mais elles n’apparaissent que de manière obscure dans le langage ordinaire, car « les conventions de notre langage sont extraordinairement compliquées » (Tractatus logico-philosophicus). Wittgenstein illustre ce résultat avec les conjonctions de coordination « et » et « ou », qui n’expriment que des relations, ou encore avec les quantificateurs logiques (comme « pour tout… » ou « il existe… ») qui ne sont que des symboles sans correspondances avec la réalité. Plus fondamentalement encore, les relations d’identité établies par le langage (par exemple avec le signe « = » ou avec le verbe « être ») ne sont pas des relations entre objets, car ceux-ci ne peuvent être strictement identiques dans la réalité, de même qu’une chose ne peut pas non plus y être identique à elle-même.
Le langage est l’objet de jeux. Loin des théories linguistiques et logiques, le langage ordinaire, celui du quotidien, répond essentiellement aux besoins de l’homme. Wittgenstein le conçoit plus précisément comme imprégné de l’environnement subjectif du locuteur. Dans cet environnement, le sens d’un mot est défini au moyen d’autres mots, et ainsi de suite à l’infini. Le philosophe propose une série d’exemples pour illustrer la multiplicité de ces « jeux de langage » : « Commander, et agir d’après des commandements. Décrire un objet d’après son aspect, ou d’après des mesures prises. Reconstituer un objet d’après une description (dessin). Rapporter un événement. Faire des conjectures au sujet d’un événement. Former une hypothèse et l’examiner. (…) Jouer du théâtre. Chanter des “ rondes ”. Deviner des énigmes. Faire un mot d’esprit ; raconter. Résoudre un problème d’arithmétique pratique. Traduire d’une langue dans une autre. Solliciter, remercier, maudire, saluer, prier » (Investigations philosophiques). La comparaison avec le jeu signifie que le langage quotidien est à envisager comme un jeu aux règles inconnues. Apprendre à jouer aux échecs passe par exemple par la compréhension progressive des possibilités de déplacement des pièces, de leurs valeurs respectives, etc. c’est-à-dire des règles qui encadrent la pratique. Ainsi, pour Wittgenstein, la pratique du langage n’est pas aléatoire, elle consiste au contraire en des actions dont la légitimité et la pertinence naissent du respect d’un ensemble de règles.