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La mauvaise foi selon Sartre

La mauvaise foi est l’envers de la liberté. Jean-Paul Sartre avance dans L’être et le néant que l’homme adopte dans sa vie quotidienne un mécanisme de défense métaphysique afin de ne pas affronter le caractère abyssal de sa liberté. Il estime que vivre selon la vérité de la condition humaine demande de dépasser la mauvaise foi.

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La mauvaise foi n’est pas le mensonge. Jean-Paul Sartre distingue les deux notions en posant que, dans le mensonge, l’individu sait qu’il trompe autrui, tandis que dans la mauvaise foi, c’est à lui-même qu’il masque la vérité. Si le mensonge est une attitude négative, la négation qu’il opère ne porte pas sur la conscience elle-même. « On ne ment pas, explique le philosophe, sur ce qu’on ignore, on ne ment pas lorsqu’on répand une erreur dont on est soi-même dupe, on ne ment pas lorsqu’on se trompe. L’idéal du menteur serait donc une conscience cynique, affirmant en soi la vérité, la niant dans ses paroles et niant pour lui-même cette négation » (L’être et le néant). Sartre reconnaît cependant qu’il n’est pas rare que le menteur soit plus ou moins victime de son propre mensonge — mais il s’agit de formes imparfaites du phénomène. Si la mauvaise foi a l’apparence du mensonge, elle s’en distingue par le fait qu’elle consiste à se mentir à soi-même. Elle abolit donc la dualité du trompeur et du trompé, ce qui signifie qu’elle implique l’unité de la conscience. Cette conclusion s’oppose à l’interprétation de la psychanalyse. Or, le problème avec les concepts freudiens d’inconscient et de censure, c’est qu’ils imposent de concevoir la mauvaise foi comme un mensonge sans menteur. Sartre affirme, lui, que la mauvaise foi se produit dans la translucidité de la conscience.

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Sartre pose que la mauvaise foi empêche la sincérité

La mauvaise foi se manifeste de diverses manières. Sartre avance en effet qu’elle peut prendre la forme d’une infinité de conduites. Il évoque par exemple l’état d’esprit d’une femme qui se rend à un premier rendez-vous. Alors qu’elle n’ignore pas les intentions romantiques de l’homme qui l’invite, elle se force à croire à la distance et au respect qui servent à masquer la crudité du désir masculin. Elle n’ignore pas non plus qu’elle devra décider d’instaurer, ou non, un rapport romantique entre eux deux — mais elle préfère se mentir à elle-même afin de ne pas sentir l’urgence du choix. Sartre développe ensuite l’exemple le plus célèbre de la mauvaise foi : le garçon de café qui prend les attitudes typiques de son métier. Assis dans une des brasseries parisiennes où il avait l’habitude de travailler, le philosophe décrit le serveur qui s’approche : « Considérons ce garçon de café. Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d’un pas un peu trop vif, il s’incline avec un peu trop d’empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client […] Toute sa conduite nous semble un jeu […] Il joue, il s’amuse. Mais à quoi donc joue-t-il ? Il ne faut pas l’observer longtemps pour s’en rendre compte : il joue à être garçon de café » (L’être et le néant). Sartre voit donc la mauvaise foi à la source d’attitudes banales.

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La mauvaise foi révèle l’impossibilité de la sincérité. Sartre montre dans les exemples de la femme courtisée et du garçon de café que la mauvaise foi permet à l’individu de s’affirmer comme faisant partie du monde constitué, l’« en-soi », plutôt que d’assumer être une conscience libre. Leurs attitudes trahissent donc la peur d’exister librement. Pourquoi ont-ils peur ? Parce que la liberté humaine est radicale au sens où toute définition fixe que l’homme accepte à propos de lui-même est une illusion, car seuls ses choix et ses actes alimentent et modifient, à chaque instant, son identité. Seulement, cette vérité est trop lourde à porter pour l’individu ordinaire. Il recourt donc à la mauvaise foi métaphysique dans son existence parce qu’il n’est pas prêt à accepter le fait qu’il n’a pas d’essence. Sartre en déduit que l’idéal de sincérité est impossible à réaliser. Être sincère, c’est-à-dire coïncider avec ce que l’on est, est un but vain puisqu’il est impossible de reconnaître ce que l’on est. « La mauvaise foi, écrit le philosophe, n’est possible que parce que la sincérité est consciente de manquer son but par nature » (L’être et le néant). Ainsi, la sincérité qui réduit l’individu à une chose est, elle aussi, un phénomène de mauvaise foi. Par exemple, le champion de la sincérité qui souhaite que l’homosexuel se reconnaisse homosexuel lui dénie la liberté de se définir. Sartre conçoit donc la sincérité comme une valeur illusoire étant donné la liberté radicale de la condition humaine.

L’être et le néant selon Sartre

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Qui est Romain Treffel ?

Passionné par les idées, je veux vous aider à mieux comprendre votre existence grâce au meilleur de la pensée. C’est dans cet esprit que je travaille à rendre les grands concepts plus accessibles et les grands auteurs plus proches de nous.

Passé par l’ESCP, la Sorbonne, et l’École Normale Supérieure, j’aide également les étudiants à réussir les épreuves littéraires des concours des grandes écoles.

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