La noosphère est l’esprit collectif de l’humanité. Dans Le Phénomène humain, le prêtre savant Pierre Teilhard de Chardin décrit l’évolution du monde comme la convergence de toutes les consciences individuelles vers une conscience collective. Cette synthèse du christianisme, de l’hégélianisme et de l’évolutionnisme pronostique l’unification spirituelle de l’humanité par la mondialisation économique et culturelle.
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La noosphère résulte de l’évolution de l’univers. Teilhard de Chardin affirme que le processus évolutionnaire n’est pas aléatoire, mais qu’il obéit à une « loi de complexité » en vertu de laquelle, depuis le début de l’univers, toute chose se développe vers un état de complexité croissant. La force qui meut le processus est l’« énergie psychique ». En pratique, les éléments du monde physique, par exemple, se combinent de manière de plus en plus complexe pour former de nouvelles structures et de nouvelles formes de vie. Mais le même phénomène se produit à tous les niveaux de l’évolution, de la matière inanimée jusqu’aux formes les plus évoluées de vie, comme les êtres humains. « En vérité, je doute, écrit Teilhard de Chardin, qu’il y ait pour l’être pensant de minute plus décisive que celle où, les écailles tombant de ses yeux, il découvre qu’il n’est pas un élément perdu dans les solitudes cosmiques, mais que c’est une volonté de vivre universelle qui converge et s’hominise en lui » (Le Phénomène humain). Dans le détail, il y a eu trois phases successives de complexification dans l’histoire : la phase physico-chimique, au cours de laquelle se forment graduellement les éléments atomiques et nucléaires ; puis la phase biologique, marquée par le développement des systèmes nerveux ; et enfin la phase au cours de laquelle vit Teilhard de Chardin, qui est à la fois sociale, culturelle, et spirituelle.
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Teilhard de Chardin voit l’aboutissement de la noosphère
La noosphère concentre les consciences. Teilhard de Chardin avance que le processus évolutionnaire qui se produit dans le monde matériel se prolonge ensuite dans le monde spirituel. Il lie donc la noosphère à la biosphère, la sphère constituée de tous les êtres vivants sur Terre. C’est de la complexification de la biosphère qu’émergent l’esprit et la conscience des hommes. En effet, leur cerveau devient capable de traiter de manière de plus en plus complexe de vastes quantités d’informations et de réfléchir de manière de plus en plus profonde à des concepts abstraits. Puis les esprits individuels convergent. Alors naît une nouvelle couche de l’univers, la noosphère, une sorte d’esprit collectif qui unifie toutes les consciences et toutes les formes de pensée de l’humanité. « Nous proposons, explique Teilhard de Chardin, de regarder l’enveloppe pensante de la Biosphère comme étant de même ordre de grandeur zoologique (ou si l’on veut tellurique) que la Biosphère elle-même. […] Et ceci revient, d’une façon ou d’une autre, à imaginer, au-dessus de la Biosphère animale, une sphère humaine, la sphère de la réflexion, de l’invention consciente, de l’union sentie des âmes (la Noosphère, si l’on veut) » (Le Phénomène humain). Or, cette noosphère se développe à mesure que les êtres humains communiquent et coopèrent de manière plus intense et plus sophistiquée. Teilhard de Chardin compare par exemple le système des routes terrestres, marines et aériennes, de voies postales, de fils, de câbles à un système nerveux ou à une conscience commune de l’humanité.
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La noosphère se rapproche de son apogée. Teilhard de Chardin estime qu’elle se développe et se densifie au fur et à mesure que la coopération humaine progresse et que l’humanité prend de plus en plus conscience d’elle-même. À ses yeux, la conscience collective atteindra bientôt son stade ultime, celui d’une solidarité spirituelle accomplie. Chaque homme aura conscience de former une association avec tous les autres hommes, et il verra leur désunion comme le mal absolu. Tous les individus, une multitude d’atomes dispersés sur la Terre, se rejoindront alors en un point d’unité spirituelle maximale que le savant nomme le « Point Oméga ». « Le groupe zoologique humain, écrit Teilhard de Chardin, se dirige en réalité, par arrangement et convergence planétaires de toutes les réflexions élémentaires terrestres, vers un deuxième point critique de Réflexion, collectif et supérieur : point au-delà duquel nous ne pouvons directement rien voir ; mais point à travers lequel nous pouvons pronostiquer le contact entre la Pensée et un foyer transcendant Oméga » (Le Phénomène humain). La proximité du « Point Oméga » se décèle dans la métropolisation, dans le développement des échanges, de la technologie, de la science, de la politique, et de la culture. Or, cette évolution matérielle et intellectuelle rend possible une évolution spirituelle jusqu’à un état de conscience et de conscience de soi, qui représentera l’état final de l’univers. L’humanité sera alors en mesure de répondre aux grandes questions métaphysiques qui l’obsèdent. Elle pourra enfin, selon Teilhard de Chardin, comprendre et maîtriser sa place dans l’univers.
