La France périphérique regroupe les perdants de l’économie. Christophe Guilluy avance dans La France périphérique que les gagnants de la mondialisation libérale ont sacrifié les classes populaires exclues de la dynamique économique des métropoles. Cette évolution ignorée par les médias a cependant entraîné les catégories modestes à s’émanciper de la vision du monde des élites mondialisées.
La France périphérique concentre la fragilité sociale. Christophe Guilluy affirme que la mondialisation entraîne une certaine répartition des ressources sur le territoire français : elle canalise les compétences, les capitaux, et le pouvoir politique dans les métropoles, excluant par là la majorité de la population, qui ne vit pas dans ces espaces privilégiés. Les médias se trompent en attirant l’attention sur les inégalités subies par les banlieues, car ces inégalités résultent d’un défaut d’intégration culturelle. Le défaut d’intégration (économique) dans la mondialisation touche, lui, la France périphérique, c’est-à-dire les espaces ruraux, les petites et moyennes villes et les DOM-TOM. « Depuis vingt ans, diagnostique Christophe Guilluy, médias et politiques confondent la question des tensions culturelles et celle de l’intégration économique et sociale. Ce sont en effet les territoires de la France périphérique qui cumulent fragilités sociales et économiques et où se répartit désormais, du fait des logiques économiques et foncières, la majorité des nouvelles classes populaires » (La France périphérique). Seulement, les statistiques de l’INSEE sur les milieux urbains ne permettent pas d’analyser les dynamiques territoriales dues à la mondialisation. D’autres travaux montrent que la population caractérisée par la fragilité sociale se concentre quasi intégralement dans la France périphérique. En revanche, l’intégration dans la mondialisation concerne moins de 40 % de la population regroupée dans 25 aires urbaines. Christophe Guilluy met donc en évidence les effets sociétaux de la dynamique économique.
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Christophe Guilluy diagnostique la radicalisation de la France périphérique
La France périphérique révèle une fracture sociale. En effet, Christophe Guilluy estime que la recomposition du territoire français en métropoles et périphérie met à mal l’unité de la société française. L’effet attendu par les partisans de la métropolisation ne se produit pas : le dynamisme économique capté par les métropoles grâce au libre-échange ne bénéficie pas au reste du pays ; au contraire, l’inégalité de dynamisme économique ne cesse de se creuser depuis le début du XXIe siècle. D’un côté, les élites intégrées à la mondialisation et les immigrés récents (attirés par l’offre de travail) se concentrent dans les grandes agglomérations ; de l’autre côté, les catégories populaires survivent dans les petites et moyennes villes en travaillant dans le secteur public, dans le secteur social ou dans l’aide à la personne. « La fracture sociale et culturelle, explique Christophe Guilluy, est souvent décrite comme la résultante d’un divorce entre » les élites » et » le peuple ». […] En réalité les nouvelles lignes de fracture se creusent d’abord entre des couches supérieures intégrées et des couches populaires » (La France périphérique). La mondialisation engendre également une forte inégalité au sein même des territoires urbains. Les centres-villes attirent une population occupant les emplois très qualifiés et repoussent la classe moyenne à la périphérie ; les zones urbaines sensibles concentrent une population occupant les emplois très peu qualifiés, majoritairement issue de l’immigration. Christophe Guilluy conclut que la société française est fracturée entre les catégories populaires et d’immigration ancienne, la population d’immigration récente, et la bourgeoisie des métropoles.
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La France périphérique nourrit un clivage politique. Christophe Guilluy met en évidence le fait que la fracture sociale due à la mondialisation entraîne une recomposition du paysage politique. Quoiqu’hétérogènes, les nouvelles catégories populaires de la périphérie sont désormais unies dans la contestation du modèle économique et social dominant. Le clivage métropole-périphérie remplace donc le traditionnel clivage droite-gauche. « Avec la fin de la croyance dans le bipartisme, la montée du « populisme » et de l’abstention, on assiste, écrit le géographe, à la fin d’un monde politique ancien, celui des Trente Glorieuses, qui a longtemps fait prévaloir une classe moyenne majoritaire et intégrée. Les vaines tentatives du clivage gauche-droite ou, pis encore, la volonté de « rééduquer » les masses, butent sur une réalité socioculturelle incontournable : en milieu populaire, la référence gauche-droite n’est plus opérante depuis au moins deux décennies ; une tendance encore plus marquée chez les nouvelles générations » (La France périphérique). Le nouveau clivage politique s’incarne dans certains thèmes discrédités comme « populistes » par les élites mondialisées. Celui de la désindustrialisation entraîne les catégories modestes à percevoir négativement la mondialisation, l’Union européenne, et à voter pour des partis nationalistes. Celui du multiculturalisme les entraîne à dénoncer un excès d’immigration. Celui de la mobilité les entraîne à miser sur un réenracinement et des solidarités locales, contre le nomadisme des catégories les plus intégrées à la mondialisation. Enfin, Christophe Guilluy souligne que les populations de la France périphérique sont unies par la diabolisation des élites métropolitaines, perçues comme corrompues.
