La crise du monde moderne concerne l’Occident. Dans La Crise du monde moderne, René Guénon met en lumière le fait que la civilisation occidentale moderne est inédite et monstrueuse parce qu’elle s’est tout entière édifiée sur une absence de principe. C’est pourquoi elle rend les hommes malheureux en les submergeant de besoins artificiels tout en leur refusant toute transcendance.
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La crise du monde moderne est sensible. René Guénon estime que beaucoup d’hommes se rendent compte — quoique de manière imprécise — du malaise dans lequel s’enfonce la civilisation occidentale. De fait, plusieurs symptômes sont manifestes : l’urgence et la vitesse perpétuelles ; le sacrifice de la hiérarchie sociale au principe d’égalité ; la corruption de la politique derrière l’illusion de démocratie ; la disparition de la pensée, remplacée par une rhétorique assimilable à de l’hypnose. Pour René Guénon, la crise est générale. « Le désordre et la confusion, affirme-t-il, règnent dans tous les domaines ; ils ont été portés à un point qui dépasse de loin tout ce qu’on avait vu précédemment, et, partis de l’Occident, ils menacent maintenant d’envahir le monde tout entier ; nous savons bien que leur triomphe ne peut jamais être qu’apparent et passager, mais, à un tel degré, il paraît être le signe de la plus grave de toutes les crises que l’humanité ait traversées au cours de son cycle actuel » (La Crise du monde moderne). S’il existe des ressemblances entre la décadence antique et la crise du monde moderne, il s’agit en réalité d’une seule et même crise qui remonte au VIe siècle avant l’ère chrétienne, la dernière phrase d’un obscurcissement graduel de la spiritualité primordiale. René Guénon pose que l’Occident se trouve dans le Kali-Yuga (selon la doctrine hindoue) ou « âge sombre » (selon la tradition occidentale).
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René Guénon explicite la crise du monde moderne
La crise du monde moderne résulte de l’abandon de la tradition. René Guénon avance que presque tous les peuples ont abandonné l’esprit traditionnel au même moment, au VIe siècle avant l’ère chrétienne. Alors commence la civilisation « classique », après une période mal connue disqualifiée comme « légendaire ». Le principal symptôme de la révolte contre l’esprit traditionnel est l’avènement de la philosophie. Signifiant étymologiquement « l’amour de la sagesse », elle a dérivé vers un mode spécial de pensée qui réduit la connaissance à la connaissance rationnelle — c’est-à-dire qu’elle impose une vision étriquée de la réalité. La sagesse traditionnelle, qui est métaphysique, n’a survécu qu’à travers les « mystères ». Pour René Guénon, la Renaissance et la Réforme ont achevé la rupture avec la tradition. L’humanisme résume cette ambition : « Il s’agissait en effet, explique le philosophe, de tout réduire à des proportions purement humaines, de faire abstraction de tout principe d’ordre supérieur, et, pourrait-on dire symboliquement, de se détourner du ciel sous prétexte de conquérir la terre » (La Crise du monde moderne). Même les Grecs de l’Antiquité n’avaient pas dévalorisé à ce point la spiritualité. En particulier, l’abandon de la tradition rend la civilisation occidentale moderne, qui est proprement anti-traditionnelle, étrangère aux civilisations orientales, demeurées, elles, fidèles à l’esprit traditionnel. Contrairement aux Orientaux, les Occidentaux modernes ont perdu leurs sciences traditionnelles, qui déviaient toutes de la « science sacrée » de la tradition. René Guénon pense toutefois que des restes de l’esprit traditionnel occidental survivent encore dans le catholicisme.
La crise du monde moderne révèle la vacuité de la civilisation occidentale. René Guénon insiste tout d’abord sur le fait que l’Occident est une civilisation matérielle et quantitative. Or, les avantages du progrès matériel sont inférieurs à ses inconvénients. En plus de porter en lui un danger de destruction, il rend les hommes esclaves de la matière ; il les divise et les trouble. La vacuité du matérialisme occidental se diagnostique plus précisément dans le dévoiement de la science. Celle-ci est devenue exclusivement matérialiste, au point que toute étude qui ne porte pas sur le monde sensible, sur des choses matérielles qui se mesurent, se comptent et se pèsent — toute étude de la sorte est exclue du champ de la science. Telle est l’origine de la confusion occidentale moderne de la science et de l’industrie, du scientifique et de l’ingénieur. Ainsi, le productivisme est la religion de la civilisation occidentale : « l’Occident moderne, écrit René Guénon ne peut tolérer que des hommes préfèrent travailler moins et se contenter de peu pour vivre » (La Crise du monde moderne). Le matérialisme occidental se manifeste encore dans le progrès, ainsi que dans l’individualisme, qui nie toute autorité supérieure à la raison individuelle. Par le protestantisme, le matérialisme occidental dénature la religion (qui est une des formes de la tradition), avant de la supprimer entièrement. René Guénon veut certes lutter contre ces évolutions, mais il ne reconnaît pas le véritable esprit traditionnel dans les efforts idéologiques des traditionalistes.
