Les lois de l’imitation sont universelles. Dans Les lois de l’imitation, Gabriel Tarde caractérise la société à partir du principe fondamental selon lequel les idées se diffusent dans les consciences individuelles comme une onde ou un courant magnétique. Il avance que les hommes sont dans un état hypnotique lorsqu’ils s’influencent les uns les autres.
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La société procède de l’imitation. Gabriel Tarde refuse la définition économique de la société comme une communauté de personnes qui se rendent mutuellement des services grâce à la division du travail. Il souligne, lui, la ressemblance de tous les membres. Plus précisément, une société se caractérise par une unanimité de cœur et d’esprit, une similitude mentale qui s’est diffusée progressivement, de proche en proche, par voie d’imitation. Tous les individus acceptent les mêmes règles d’organisation de la communauté, de telle sorte que c’est par une relation juridique, et non pas économique, que tient la société. Au XIIe siècle, par exemple, la propagande chrétienne a harmonisé toutes les consciences, de celle de l’Empereur à celles des serfs, dans l’Europe féodale. Mais pourquoi les hommes s’imitent-ils ? Gabriel Tarde estime que c’est une propriété de la psychologie humaine. « La société, pose-t-il, c’est l’imitation, et l’imitation c’est une espèce de somnambulisme » (Les lois de l’imitation). Ainsi, l’être social croit qu’il a des idées spontanées alors qu’elles lui ont été suggérées. Dans cette perspective, les individus de toutes les civilisations sont des automates dont les ancêtres, les chefs politiques et les prophètes pressent le ressort, quand les individus ne se le pressent pas les uns les autres. Gabriel Tarde voit donc la société comme un groupe de gens qui s’imitent et dont les traits communs sont des copies d’un ancien modèle.
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Gabriel Tarde anticipe les effets des lois de l’imitation
L’imitation obéit à des lois. Gabriel Tarde remarque des régularités dans les phénomènes d’imitation, comme le fait que seules dix innovations sur cent se diffusent largement. Il postule donc l’existence de formules générales. En premier lieu, il distingue, d’une part, les facteurs physiques (qui découlent par exemple de la géographie, du climat, etc.) ; et d’autre part les facteurs sociaux. Il subdivise ces derniers en influences logiques et extra-logiques. Les premières sont dites « logiques » dans le sens où un homme imite une innovation parce qu’il la juge plus utile ou plus vraie que les autres — le prestige entre peu en ligne de compte. Ainsi s’expliquent, selon Gabriel Tarde, la diffusion et l’évolution des langues. Dans le détail, les principales lois logiques de l’imitation sont le duel logique — lorsque deux innovations sont en concurrence — et l’accouplement logique — lorsque des innovations s’entraident et s’accumulent. Le sociologue détaille également les principales influences extra-logiques. Il affirme notamment que l’imitation marche du dedans au dehors (dans les gestes ou la parole, par exemple). « Au XVIIe siècle, explique-t-il, la littérature française a régné sur l’Europe, et, à sa suite, les arts français, les modes françaises, ont fait le tour du monde » (Les lois de l’imitation). Il évoque ensuite l’imitation du supérieur par l’inférieur, la coutume et la mode, la religion, l’organisation politique, la législation, les usages et les besoins, ou encore la morale et l’art. Gabriel Tarde voit donc les lois de l’imitation opérer dans tous les champs de l’existence humaine.
Les lois de l’imitation font converger l’humanité. Gabriel Tarde cherche le sens général de la progression indéfinie à laquelle l’imitation semble vouée. Il reconnaît tout d’abord que des obstacles limitent la dissémination des inventions dans le champ social — principalement les préjugés qui antagonisent les peuples, et au sein d’un même peuple, les classes sociales. Toutefois, les peuples s’influencent lors des guerres (c’est souvent le vainqueur qui civilise le vaincu). Quant aux classes sociales, une imitation se produit naturellement de haut en bas, et la progression de l’égalité démocratique engendre une imitation réciproque. Gabriel Tarde affirme plus généralement que, tant à l’échelle de chaque société qu’à l’échelle internationale, l’imitation se libère, s’étend et s’accélère grâce à la réciprocité (alors qu’elle était unilatérale). Il prend en exemple la diffusion de la théorie de Darwin et des pratiques commerciales. « On comprend, écrit-il, que la tendance à une assimilation cosmopolite et démocratique soit une pente inévitable de l’histoire, par la même raison que le peuplement uniforme et complet du globe et la calorification uniforme et complète de l’espace sont dans les vœux de l’Univers vivant et de l’Univers physique » (Les lois de l’imitation). Cette tendance ne signifie pas pour autant qu’un Empire unique va s’étendre au monde entier. En effet, le développement d’un État semble soumis à certaines limites, et le rapprochement des nations civilisées renforce les préjugés patriotiques qui l’entravent. Gabriel Tarde ne pense donc pas que les lois de l’imitation vont conduire l’humanité à la paix perpétuelle.
