La France de Vichy n’a pas joué double jeu. Robert Paxton affirme dans La France de Vichy que le gouvernement du maréchal Pétain n’a pas protégé la population française pendant les années de l’Occupation, de 1940 à 1944. L’historien américain invalide ainsi la thèse de « l’épée et du bouclier » qui a prévalu jusqu’à la fin des Trente Glorieuses.
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La France de Vichy n’a pas protégé les Juifs. Robert Paxton reprend les statistiques concernant les Juifs de France : plus de 90 % ont survécu à la Seconde Guerre mondiale, alors que plus de 90 % des Juifs autochtones vivant en Europe centrale ont été exterminés. L’hexagone est le seul pays occupé par l’Allemagne nazie à pouvoir se prévaloir d’un tel taux de survie. Mais est-ce le résultat d’une politique délibérée de la France de Vichy ? Robert Paxton estime que ce n’est très probablement pas le cas — bien au contraire. « La plus grande honte du régime de Vichy, pose-t-il, est l’antisémitisme. […] les premières mesures ayant frappé les israélites sont bien le fait du gouvernement français » (La France de Vichy). Dans les faits, non seulement la législation française était en parfaite conformité avec les exigences allemandes, mais elle les dépassait même. Le statut des juifs promulgué en 1940 et 1941 ne répondait par exemple à aucune demande allemande. De surcroît, le régime de Vichy a mis en place l’obligation de porter l’étoile jaune, la spoliation des biens des Juifs, et plus généralement organisé l’« aryanisation » de l’économie française. La population juive a trouvé refuge dans la zone libre (au début de la guerre), dans la zone d’occupation italienne, ou encore grâce aux Justes de France. Robert Paxton en conclut que la France de Vichy ne l’a pas protégée délibérément.
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Robert Paxton change le regard sur la France de Vichy
La France de Vichy n’a pas protégé les Français. Robert Paxton avance que le régime de Pétain a pris des décisions qui ont nui à la vie quotidienne de la population. Elle a par exemple subi de graves pénuries alimentaires, avec un apport calorique quotidien moyen de seulement 1 500 calories par personne, inférieur à celui de plusieurs autres pays de l’Est. En outre, à partir de 1942, les rations alimentaires destinées à l’Allemagne sont soudainement et dramatiquement augmentées, rendant ainsi l’approvisionnement du pays bien plus difficile. Or, le régime de Vichy a accepté cette dégradation sans protester. « En ville, décrit Robert Paxton, les tickets de rationnement ne sont pas toujours honorés, loin de là : la production baisse, les transports se raréfient, les paysans stockent et l’occupant réquisitionne. Alfred Fabre-Luce déclare que la vraie voix de la France en 1942 est la protestation véhémente de l’estomac » (La France de Vichy). L’historien ajoute que l’hexagone a été le plus grand contributeur européen à l’armée et à la population civile allemandes pendant la guerre. Mais les autorités ont-elles toutefois permis d’éviter le pire ? Elles n’ont en réalité obtenu que des concessions symboliques de la part de l’Allemagne, tels la dispense de porter l’étoile jaune en zone libre, l’allègement du STO pendant quelques mois, ou encore la diminution temporaire des frais d’occupation. Pour Robert Paxton, la France de Vichy a d’abord refusé de résister à l’occupant ; puis elle n’en avait plus les moyens à partir de 1942.
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La France de Vichy était divisée. Robert Paxton précise que la nouvelle organisation économique et sociale a fait des gagnants et des perdants. Ainsi, les agriculteurs (même modestes), qui avaient la main sur la production de nourriture, et les commerçants, qui géraient la distribution de la nourriture, ont profité de la pénurie pour bâtir de grosses fortunes pendant l’Occupation. Le patronat, pour sa part, a bénéficié de la suppression des syndicats ainsi que de la disparition de la concurrence grâce à la mise en place de cartels industriels par les autorités. Enfin, « les conservateurs, écrit Robert Paxton, ont eu sous Vichy des pouvoirs que le suffrage universel leur refusait depuis 1932, et les techniciens une puissance que les politiciens ne leur avaient jamais donnée » (La France de Vichy). Du côté des perdants, l’inflation galopante a gravement affecté les ouvriers : le coût de la vie a augmenté de 50 % entre 1940 et 1944, alors que les salaires n’ont crû que de 30 % dans le même temps. La souffrance des ouvriers était également psychologique, notamment à cause de la menace de devoir partir travailler en Allemagne dans le cadre du STO (à partir de 1942). En synthèse, le régime de Pétain a favorisé les couches les plus aisées de la population ainsi que ses partisans, tout en portant gravement atteinte aux droits et aux libertés de nombreux Français. Robert Paxton reproche donc à la France de Vichy d’avoir dressé une partie de la population contre l’autre.
